Dans ce nouveau cycle de projections et de rencontres, la Gaîté Lyrique explore les nouveaux territoires de l'image en mouvement. Nourris par les flux inépuisables de l’internet participatif (réseaux sociaux, jeux vidéo, intelligence artificielle…), les “desktop movies” inventent un nouveau cinéma documentaire soumis à la bande passante.
Ce programme s’inscrit dans une envie de rendre compte de l’effervescence de ces nouvelles écritures, ces nouvelles formes de narration non linéaires et/ou interactives, qui échappent encore au formatage et mettent librement en jeu le nouveau statut de l’image post-internet.
Souvent rassemblée sous l’appellation “desktop movies”, la génération de films réalisés à partir de contenus glanés sur Internet – à partir de vidéos YouTube, de forums en ligne, des réseaux sociaux... – s’élargit aussi à l’animation, au jeu vidéo, à la réalité virtuelle ou aux œuvres issues d’intelligences artificielles. Longtemps entre les mains d’une minorité (institutions étatiques, journalistes, instances académiques, artistes...), discours et images sont désormais appropriables par tous et toutes via Internet. Comprendre les dessous de cette production devient dès lors un enjeu politique et citoyen.
Nous sommes tous et toutes composées d’images. Elles nous traversent et nous constituent, en même temps qu’elles définissent notre relation au monde.
C’est leur force et leur limite. Nous les produisons et nous les avalons. Depuis l’apparition des réseaux sociaux il y a une quinzaine d’années, associée à la démocratisation des logiciels de montage, du développement des caméras de nos téléphones et d’une pixellisation du monde, nous avons muté en “Humanus Technologicus”, capables de sécréter leurs propres flux d’images. Le Ciné-Œil appelé de ses vœux par Vertov est advenu. Les données visuelles sont désormais partout. Nous filmons le monde. L’Internet est devenu social et marchand. Nous ployons sous ses injonctions constantes. Nous sommes les chefs de gare de ces flux. Et les artistes ont depuis longtemps compris que ces contenus générés par les utilisateurs (CGU) étaient une mine d’or documentaire.
En anthropologues de l’open data, et en remodelant des formes vernaculaires contemporaines (des stories Instagram aux vidéos instantanées de TikTok ou au gisement inépuisable que constitue YouTube – et ses 720 000 heures de vidéos ajoutées chaque jour), les artistes taillent dans la montagne. Jamais très loin de la recherche académique, qui se penche désormais sur ces pratiques d’aujourd’hui et de demain, elles et ils questionnent ces champs de données, en les travaillant au corps avec fascination et recul critique, comme jadis on s’emparait des premières images de plantes en mouvement ou de corps en torsion, dans les laboratoires des pionniers du cinéma. Ce nouveau cycle de projections et de rencontres extrait ces images parfois pauvres de leurs écrans ou de leurs data centers et les travaille au cœur. Une exploration de ce nouveau cinéma- vérité soumis à la bande passante, qui éclôt sous nos yeux et génère de nouveaux récits.
Benoît Hické,
programmateur du cycle Imagespointnet
Prochaines dates
- 23.02 Mon camécran déprime mais je me soigne
- 30.03 Très connecté·e·s - Carte blanche au FIFIB
- 27.04 Nous, on reconstruit la map
- 11.05 La mélancolie du monde assaut
- 15.06 Virusland