30 ans avant

Interroger la Russie post-soviétique

30 ans avant

Dans le cadre du programme Scènes en résistance, deux journées proposent de questionner le passé, le présent et l'avenir de la Russie avec une série de discussions, débats, lectures et projections.

En septembre 2023, le Centre de défense des droits humains "Memorial" a lancé le projet "30 ans avant". En collaboration avec des médias indépendants, des défenseurs des droits humains, des experts et des représentants de la société civile, les auteurs du projet essayent de comprendre pourquoi le régime actuel en Russie a été possible. Six mois après son lancement, le projet est présenté à la Gaîté Lyrique. "Memorial" partagera les premiers résultats de son travail, mais propose également de soulever les questions qui semblent importantes sur la Russie post-soviétique, sous la forme de rencontres, discussions et tables rondes. Des intervenants de Russie, d'Ukraine et de France débattront sur les thèmes de la guerre, de la répression, des minorités, des droits humains et de la justice transitionnelle.

"30 ans avant" à la Gaîté Lyrique propose également de faire appel à l’art, avec une lecture théâtralisée de la pièce de Yulia Vishnevets "Attendre est plus difficile que d'enterrer", ainsi que le film documentaire "Fixeurs de guerre : les invisibles du reportage", des réalisateurs Robin Grassi et Arnaud Froger, de l’ONG Reporters Sans Frontières.

Co-organisateur : Memorial-France / photos © Alexander Nemenov/Dmitri Beliakov

Samedi 27.04

15h-15h20 Discours d’ouverture
  • François Croquette, Ancien ambassadeur pour les droits humains, membre de Mémorial-France, directeur de la transition écologique et du climat à la Ville de Paris
  • Tatiana Kasatkina, épouse d’Oleg Orlov, l’un des fondateurs du CDDH Memorial, actuellement prisonnier politique
15h20-15h30 Présentation du projet multimédia "30 ans Avant"

Avec Anastasia Garina, défenseure des droits humains, CDDH Memorial

15h30-17h Table ronde : "Guerre"

En envahissant l'Ukraine le 24 février 2022, la Russie a déclenché la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela a été précédé d'une série de conflits armés impliquant la Russie. La guerre et l'armée se sont révélées être les principales "harpons" qui ont replongé la Russie dans le passé. En 1999, la guerre en Tchétchénie avait servi de tremplin à Poutine pour accéder à la présidence. Ces dix dernières années, la guerre en Ukraine a été le principal outil permettant d’assurer l'inamovibilité du pouvoir en Russie. À partir des exemples de la Tchétchénie, des Balkans, de la Syrie, de l'Ukraine et de l'Afrique, des experts discuteront des différents épisodes des interventions militaires de Moscou, ouvertes ou non ("guerres hybrides"), ainsi que des mécanismes d'héritage des pratiques criminelles qui se transmettent d'un conflit à l'autre. En présence de : 

  • Alexandre Tcherkassov, défenseur des droits humains, CDDH Memorial : "Une chaîne de guerres, une chaîne de crimes, une chaîne d’impunité"
  • Denys Volokha, Groupe de défense des droits humains de Kharkiv : "Mission impossible : dénombrer tous les crimes commis par la Russie en Ukraine"
  • Ousmane Ndiaye, journaliste, TV5Monde : "La Russie en Afrique, la nouvelle donne géopolitique"
  • Laurent Geslin, journaliste, Le Courrier des Balkans : "Guerre en Ukraine, les Balkans un 'second front' ?"

Modération : Sacha Koulaeva, défenseure des droits humains, enseignante Sciences Po

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17h15-18h45 Table ronde : "Services secrets et appareil répressif en Russie, tentatives de contrôle citoyen"

Dans la Russie post-soviétique, les services de renseignement, les forces de l’ordre et le système pénitentiaire ont connu un certain nombre de réorganisations, essentiellement formelles et structurelles. Mais, comme on le voit, leur essence n'a pas changé et les services de sécurité sont redevenus un instrument de contrôle du pouvoir sur les processus sociaux et politiques. En termes d'ampleur de la répression, la Russie a dépassé ces deux dernières années les indicateurs soviétiques des années 1960-1980 et se dirige résolument vers un "retour vers le futur". Les participants à la table ronde se demanderont comment et pourquoi il n'a pas été possible de se débarrasser de cet héritage soviétique, comment les organes de répression se sont transformés après la fin de l’URSS et évoqueront les tentatives de contrôle citoyen de ces organes pendant cette période. En présence de : 

  • Nikita Petrov, historien, défenseur des droits humains : "Le processus de lustration. Les services secrets à travers le prisme de l'époque soviétique. L’accès aux archives"
  • Anna Karetnikova, défenseure des droits humains : "Contrôle des lieux de privation de liberté, prisons, psychiatrie punitive, travail de la commission d’observation dans les lieux de détention"
  • Sergueï Babinets, défenseur des droits humains, juriste, ONG L’équipe contre la torture : "Évolution de la brutalité de la militsia (police soviétique) à la politsia (police russe contemporaine)"
  • Gilles Favarel-Garrigues, politologue, chercheur au CNRS (Sciences Po-CERI) : "Contributions citoyennes à la surveillance et au maintien de l'ordre en Russie"

Modération : Veronika Dorman, journaliste et documentaliste, Libération

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19h30-21h Lecture théâtralisée de la pièce de Yulia Vishnevets "Attendre est plus difficile que d'enterrer"

Dès le milieu de l'année 2022, la société militaire privée Wagner a formé des unités militaires composées de prisonniers libérés des colonies pénitentiaires russes et envoyés en masse combattre en Ukraine dans les zones les plus violentes. En échange, ces hommes se sont vus proposer de bons salaires, une libération anticipée et une grâce, mais seule une petite partie de ces prisonniers sont rentrés chez eux en vie. La pièce de théâtre documentaire "Attendre est plus difficile que d'enterrer" se base sur des conversations entre des femmes russes qui attendent ces hommes, d'abord en prison, puis de la guerre.

La base documentaire de la pièce est constituée d’échanges sur un forum de discussion en ligne dans lequel les épouses, sœurs et mères de mercenaires russes échangent sur leurs expériences et sur ce qu’elles traversent. Le texte est construit à partir d'une polyphonie de propos anonymes, dans le chaos de laquelle on observe l'évolution d'un personnage féminin collectif, de la prison à la guerre puis à la rébellion, de l'espoir au désespoir puis à la réflexion, selon les lois classiques de la dramaturgie.

Metteuse en scène : Yulia Vishnevets
Cheffe décoratrice : Aglaïa Chouljenko
Avec : Nadejda Koutepova, Anna Lebedeva, Maria Tchouprinskaïa, Irina Verbitskaïa, Irina Zamoula

Présentation des recueils de pièces de théâtre de "Lioubimovka"Elena Gordienko, chercheuse en études théâtrales, présentera deux recueils de pièces : "Lioubimovka 2022 : l’écho de l’écho. Théâtre russophone en temps de guerre", publié en français chez Sampizdat éditions, et "Cinq pièces sur la guerre", publié en russe chez Freedom Letters. La pièce "Attendre est plus difficile que d'enterrer" fait partie du dernier recueil.

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Dimanche 28.04

14h-15h30 Table ronde : "Migrants et autres groupes vulnérables"

L'humanisme, la non-violence et l'absence de haine étaient des principes essentiels pour ceux qui, semblait-il, avaient gagné en 1991. Mais dans les années qui ont suivi, il n'a pas été possible de lutter contre la haine, la violence et la déshumanisation, en conséquence de quoi des composantes de "l’identité négative" russe telles que la xénophobie et la discrimination à l'égard des réfugiés, des minorités ethniques et autres sont devenues le "point d’assemblage" le plus important de la Russie de Poutine. Le résultat est triste : en 2023, le pays a battu un anti-record, avec un nombre qui n’avait jamais été aussi faible de statuts de réfugié accordés ; la situation des droits des minorités n'est pas meilleure. Les participants à la table ronde aborderont différents aspects de ces processus : la Russie en tant que "pays refuge", la discrimination ethnique, et la situation des habitants de Tchétchénie et d'Ukraine. En présence de : 

  • Svetlana Gannouchkina, défenseure des droits humains, ONG Assistance civique : "La fédération de Russie en tant que pays d’asile"
  • Stefania Kulaeva, défenseure des droits humains, Centre Anti-discrimination "Memorial", Bruxelles : "Une expérience dans la protection des droits des minorités et des migrants : 30 ans de lutte contre le racisme"
  • Maïrbek Vatchagaev, historien, auteur et chercheur : "Problèmes et réussites de l'intégration des Tchétchènes dans les pays occidentaux"

Modération : Anne Le Huérou, sociologue et maîtresse de conférence à l’Université Paris Nanterre

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15h45-16h30 Projection du film documentaire "Les fixeurs de guerre : les invisibles du reportage"

En Ukraine, les journalistes étrangers travaillent rarement seuls. Derrière les enquêtes sur les crimes de guerre, les photos chocs des atrocités, les vidéos des ravages causés par deux ans de conflit, il y a des centaines de fixeurs et fixeuses ukrainiens. Le film vous entraîne à la découverte de leur métier : “fixeur de guerre”, l’un des plus dangereux au monde. Alors que le conflit s’enlise, les combats n’ont pas cessé, et ces petites mains de l’information continuent à se déployer en première ligne pour aider médias et journalistes à travailler et éviter de faire de cette guerre, une guerre oubliée. RSF a suivi le quotidien de plusieurs d’entre eux. Confrontés à des risques sécuritaires et psychologiques importants, ils témoignent de leur expérience au service du journalisme.

Сo-réalisateurs : Robin Grassi et Arnaud Froger de Reporters Sans Frontières. Le film sera présenté par Jeanne Cavelier de Reporters sans Frontières

La projection sera suivie d'un échange avec le public. 

16h30-18h Discussion : "Travail des journalistes russes et internationaux en temps de guerre et de dictature"

Depuis plus de vingt ans, bien avant l'invasion à grande échelle de l'Ukraine, les médias et les journalistes indépendants russes ont été accusés de pratiquer un "journalisme militant", par opposition à un journalisme "impartial". Cela a été reproché entre autres à Anna Politkovskaïa. Aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine et la dictature en Russie, cette question est devenue encore plus centrale. Est-il possible de rester "au-dessus de la mêlée" en couvrant la guerre ? Surtout lorsqu'on est citoyen de l'un des pays en guerre ? Et cette appartenance est-elle si inexorable ? Un journaliste doit-il rester "neutre" et ne jamais prendre parti dans ses publications ? Que peut-il faire lorsque les informations qu'il publie sont utilisées par la propagande russe ? Comment concilier les règles journalistiques et le désir de ne pas nuire aux "bonnes personnes" en publiant ? Quel rapport le journalisme peut-il entretenir avec la défense des droits humains et le travail humanitaire ? Toutes ces questions seront abordées par des journalistes de médias indépendants. En présence de : 

  • Margarita Loguinova, journaliste, Viorstka
  • Natalia Kildiyarova, journaliste
  • Alexeï Ponomarev, journaliste, Kholod podcast
  • Elena Volochine, reporter
  • Paul Gogo, journaliste, auteur

Modération : Jeanne Cavelier, Reporters Sans Frontières, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie Centrale

Réserver (projection + discussion)  

18h15-20h Présentation et débat autour du projet juridique "100 jours après Poutine"

Sur la base du projet de mesures de justice transitionnelle du même nom "100 jours après Poutine", les participants débattront du "passé difficile" et de l'avenir dans lequel il faudra faire quelque chose de ce passé. Les participants, ayant des visions du monde et des opinions politiques différentes, discuteront des perspectives de démocratisation future et des contours du nouveau système politique et juridique de la Russie. En présence de : 

  • Iekaterina Schulmann, politologue, docteur en sciences politiques, enseignante
  • Grigory Vaïpan, avocat en droits de l'homme, docteur en droit international
  • Mikhail Lobanov, candidat à la Douma d’État en 2021, militant syndical, docteur en sciences et mathématicien

Modération : Natalie Nougayrède, journaliste

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Scènes en résistance

Avec la série d’événements Scènes en résistance, la Gaîté Lyrique souhaite mettre en lumière des artistes luttant pour leur liberté, leur indépendance et leur libre expression, se faisant ainsi les porte-voix de populations en quête de justice et de stabilité. Le programme soutient une approche décloisonnée des scènes artistiques et militantes, en accueillant les représentant·es de combats où la création et la lutte sont indissociables. Initié en juin 2023 dans la Grande salle de la Gaîté Lyrique avec une carte blanche à Standard Deviation, label ukrainien de musiques électroniques, Scènes en résistance a depuis proposé des événements défendant les droits des femmes prisonnières politiques en Iran, l’expression artistique ouïghoure ou encore la voie des peuples autochtones des grandes forêts à travers le monde.

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