Rencontre avec l'écrivain américain Todd Shepard autour de son ouvrage "Mâle décolonisation".
En 1962, l’indépendance algérienne transforme le rapport des Français aux « Arabes ». L’extrême droite, qui veut contrer tout effort de penser le passé colonial, développe aussitôt un discours non plus centré sur l’empire et sur l’Algérie, mais sur la France elle-même : l’homme arabe, violent, violeur, vorace, vient « envahir » la France par le biais de l’immigration.
À partir de Mai 68, un autre discours, arabophile celui-là, tenu par une large partie de la nouvelle gauche, défend un homme révolutionnaire arabe viril, vaillant, qui résiste avec succès à l’oppression, à l’impérialisme, au capitalisme. Ces deux visions s’affrontent jusqu’à la fin des années 1970, la figure de l’« Arabe » irriguant la plupart des débats politiques et sociaux d’une France aux prises avec la libération sexuelle. À l’intersection de l’histoire du colonialisme et de l’histoire de la sexualité, Mâle décolonisation éclaire cet affrontement et renouvelle en profondeur notre compréhension des années 1960 et 1970, si cruciales pour l’histoire de la France d’aujourd’hui.
Todd Shepard
Todd Shepard enseigne l’histoire à la Johns Hopkins University, aux États-Unis. Il a reçu deux prix pour son livre précédent « Comment l’indépendance algérienne a transformé la France » : le prix J. Russell Major (meilleur livre en anglais sur l’histoire de la France) et le prix du Council of European Studies (meilleur livre publié sur l’Europe. Todd Shepard est l’un des historiens les plus passionnants du moment.